Le bateau coule et les rats quittent le navire. Tu connais cette expression ? Elle est souvent utilisée pour décrire les personnes qui tournent subitement le dos quand la situation se dégrade. Mais les rats ont-ils vraiment tort de s’enfuir à toutes papattes ?

Origines de cette expression

Créée au Moyen-Âge, cette expression vient des marins. Parmi les indicateurs de la survenue d’une catastrophe (naufrage, tempête, etc.), ils observaient le comportement des nuisibles à bord, dont les rats. Si ces derniers fuyaient le navire, alors c’était un signe que quelque chose de grave allait leur tomber sur coin de la jambe de bois (OK. Ils n’avaient pas forcément une jambe de bois, enfin, pas tous, mais j’aime bien !).

Utilisation contemporaine

Désormais, on désigne ainsi, les rats, les personnes qui fuient une entreprise, un collectif quelconque, etc. quand ils ont le sentiment que l’issue ne sera pas favorable. Dans nos mécanismes sociétaux, les rats sont donc d’anciens alliés qui deviennent des ennemis du fait d’une supposée lâcheté. Contrairement à tous les autres qui résistent et s’accrochent en espérant que la situation s’améliore. Eux se jugent plus résilients, plus courageux… en résumé, plus forts que les rats.

La question se pose donc de savoir s’il s’agit vraiment d’un comportement normal ?

L’instinct de survie

Quand les rats sautent par-dessus bord à l’approche d’une tempête ou quand l’eau s’infiltre dans les cales, c’est conditionné par un instinct primaire : celui de survivre. L’homme (au sens générique du terme) n’a pas perdu cet instinct. C’est ce même instinct qui le pousse à courir dans le sens opposé à une déflagration, à s’accroupir ou à s’allonger en mettant ses mains au-dessus de sa tête. Bref, à avoir des réactions non réfléchies dans une situation d’urgence.

En désignant les autres de rats, lorsqu’ils quittent quelque chose qui périclite, n’est-ce pas une manière de leur demander d’aller à l’encontre leurs besoins les plus primaires ?

Après tout, peut-on reprocher à quelqu’un de ne pas rester sur un bateau qui coule ?

Surtout que chaque navire a son capitaine. Et que fait le capitaine ?

Parlons-en du capitaine.

Un bon capitaine évitera de foncer, proue baissée, vers une grosse tempête, surtout s’il connaît bien son bateau (bon, s’il ne le connaît pas bien, c’est que dès le départ, il y a eu tromperie sur le bonhomme ! Auquel cas, il mérite d’être accroché, cul nu, en haut du mât).

Le bon capitaine évaluera les risques et choisira de contourner l’obstacle, voire de différer sa traversée. Les rats pourront donc dormir tranquilles.

Un mauvais capitaine n’évaluera rien ou niera les risques. Comme un seul homme, il conduira tout le monde vers l’inéluctable, priant pour que ça passe. À ce stade, ce n’est plus un capitaine, plutôt un illuminé qui compte plus sur des éléments extérieurs et sur sa chance pour s’en sortir.

Et si son équipage vient lui suggérer que c’est de la folie, il fera la sourde-oreille ou se montrera autoritaire. C’est à ce moment-là que les rats décideront de sauter par-dessus bord, conscients de l’imminence du naufrage.

Admettons que la tempête soit soudaine, genre impossible à prévoir (même pour les rats).

Un bon capitaine sentira quand la situation vire à la catastrophe, et, selon les règles maritimes, mettra tout en œuvre pour permettre aux passagers et à son équipage de s’enfuir. Une fois fait, là, et seulement là, le capitaine pourra, à son tour, évacuer. C’est le bon vieux : Les femmes et les enfants d’abord ! qui sera complété par :

N’oubliez pas les rats…Oh ! Mais, ils sont déjà dans les canots ! Oh ! Les fourbes !

Le mauvais capitaine, pris au milieu de la tempête, qu’elle soit soudaine ou non, exigera que chacun reste à sa place. En mode : si je coule, tout le monde coule avec moi !

Et là, les rats auront bien raison d’avoir sauté du bateau parce que pour les autres, ce sera pénible, mais ils auront servi le chef jusqu’au bout. Ils y auront cru. Grand bien leur fasse, et paix à leur âme/carrière !

Bon, en cas de capitaine niveau 78 en fourberie, il se sauvera, en douce, dans un canot, au pire moment (en doublant les rats, qui ne manqueront pas de le saluer comme il se doit) et une fois à bon port, il racontera que lui ne voulait pas y aller, mais que les autres ont insisté et que tout est de la faute des rats ! (je t’assure que c’est possible, je l’ai déjà vu…).

Pourquoi tu racontes ça ?

Oui, hein ? Il est bizarre cet article… Cela fait suite à une discussion avec des copines sur un projet prometteur qui est en train de s’écrouler. Comme souvent, une fois notre échange terminé, ça m’a donné à réfléchir (eh oui, toutes ces synapses qui s’entrechoquent, ça fait mal !).

Tout ça pour dire que je reprends ces exemples et que je les transpose dans le quotidien professionnel. Je remplace rats par collègues, capitaine par boss, bateau par société ou projet. Bref, tu as compris le concept. Fais-toi plaisir et décline-le à ta sauce.

J’ai suffisamment croisé de capitaines pour repérer les comportements des mauvais. Je connais aussi plusieurs rats, j’en ai moi-même été un parfois, tout comme je me suis accrochée au bastingage alors que tout espoir s’était envolé.

Je considère donc que chacun a le droit de décider, quand il l’estime nécessaire, d’arrêter de s’investir dans un collectif. Être désignés rats par les autres ne devrait pas nous empêcher de faire ce que notre instinct nous commande.

Je me garderai donc de juger ceux qui restent comme ceux qui partent. Chacun le fait pour des raisons qui leur appartiennent. La plus mauvaise étant, selon moi : parce que le capitaine exige que je reste. Faisons nos choix pour nous, pas pour les autres.

Et j’ajoute que ce n’est pas un manque de courage de sauter par-dessus bord sous le regard haineux de ses anciens alliés, bien au contraire. Du reste, les rats sont d’excellents nageurs, c’est peut-être ça leur meilleur atout ! N’en déplaise aux mauvais capitaines…

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